"La thèse du bagnard injustement condamné ?
« Je suis historien. Quand j’ai commencé à lire cette histoire extravagante d’affaire d’État avec des achats de Cadillac partant vers l’Union Soviétique, c’était tellement gros que j’ai commencé vraiment à m’intéresser à la question. J’ai découvert que l’instruction du dossier Seznec par le juge Étienne Campion et l’enquête du commissaire Vidal ont été remarquablement menées. Quand on ose dire des choses aussi rationnelles et aussi simples, on se fait huer. Quand on ajoute que l’arrêt de la cour de cassation de 2006 prouve l’indépendance de la justice, qui ne cède ni à l’opinion publique, ni à la volonté du ministère, là encore, ça fait hurler. Mais, bon, c’est pourtant vrai ».
En effet, la demande de révision de 2006 avait envisagé l'hypothèse d'un vaste trafic de Cadillac vers la Russie des Soviets. Ce trafic aurait été lié à une affaire d'Etat. La police aurait fait accuser Seznec pour couvrir des politiciens véreux impliqués dans ce scandale. Bonny aurait tiré les ficelles.
Cette hypothèse était fausse. Elle était en contradiction avec les éléments connus du dossier d'instruction. C'était une erreur d'évoquer ce point lors d'une demande de révision car il n'y rien pour l'étayer. Dans un précédent ouvrage sorti en 2008 et 2011, j'avais démontré qu'un vaste trafic de Cadillac était impossible. Michel Pierre a repris ma démonstration dans son livre "L'impossible innocence" publié en 2019 (Note 7 page 301). J'avais précisé à l'époque qu'une affaire de Cadillac comme celle mentionnée dans le dossier d'instruction était toutefois possible. Michel Pierre n'a pas compris et n'a pas tenu compte de ma recommandation. Dans son livre, il plonge tête baissée sur l'impossibilité de toute affaire de Cadillac car les Russes veulent des tracteurs. La raison est que sa thèse sur la culpabilité de Seznec l'oblige à défendre coûte que coûte la décision de justice de 1924. Pour rappel, la cour d'Assises du Finistère avait décidé que cette affaire de Cadillac était le fruit de l'imagination de Seznec. C'est un point fondamental. Pour simplifier, s'il n'y a pas eu d'affaire de Cadillac alors Seznec est coupable MAIS s'il y a bien eu une affaire de Cadillac alors Seznec est innocent.
Entre 2020 et 2023, j'ai publié le résultat de mes recherches dans un livre "Affaire Seznec : Les archives du FBI ont parlé". Par rapport à Michel Pierre, je suis bien plus avancé dans les recherches car j'ai eu l'opportunité de consulter des archives Américaines du fonds Hoover et des archives déclassifiées du FBI. Je suis en mesure de prouver grâce à des centaines de documents que les Soviets cherchaient des Cadillac d'occasion, qu'il y a bien eu une affaire de Cadillac vers la Russie des Soviets en 1923 avec des détails que l'on trouve dans le dossier d'instruction. J'expliquae en détail tous les mécanismes. Je donne même la provenance de la Cadillac de Dzerjinski, le patron de l'OGPU, jusqu'à son numéro de série.
A la suite de la publication de mes recherches, toute la thèse de Michel Pierre sur la culpabilité s'est effondrée. Bien sûr, il nous raconte l'histoire de l'affaire mais d'un point de vue tellement biaisé qu'il a perdu toute crédibilité. Quand je lui ai expliqué, il a été un peu sonné. Il n'a répondu à rien. Il a tout rejeté en bloc et il s'est enfermé dans le déni. Il s'agit de petits conflits entre chercheurs qui se règlent par le débat et la confrontation des pièces et arguments. Michel Pierre a refusé ce débat nécessaire à l'émergence de la vérité. Sa thèse qui était passée relativement inaperçue a commencé à prendre. Quelques médias s'y sont intéressés. Le débat qui était confidentiel s'est retrouvé étalé sur la place publique devant des journalistes qui n'ont pas les connaissances pour comprendre.
De sa thèse, il ne reste plus rien si ce n'est l'histoire de demandes de révision farfelues et des campagnes de presse. Si toutes les demandes de révision n'ont pas abouti jusqu'à aujourd'hui, ne faut-il pas réfléchir sur la difficulté de prouver son innocence ?
Michel Pierre ne veut pas perdre la face. Cela fait 20 ans qu'il pense que Seznec est coupable. Il n'a pas l'intention de changer. Mais il est aussi intelligent. Il se trouve tiraillé entre son cerveau reptilien et sa thèse de doctorat. Pour régler ce problème, Michel Pierre a amorcé un changement sémantique récent. Il a abandonné
toute référence à l'impossibilité d'une affaire de Cadillac alors qu'il
s'agissait des postulats fondamentaux de son livre. Il affirme comme dans l'article du Télégramme que finalement, après réflexion, c'est plutôt le vaste trafic et l'affaire d'Etat qui sont impossibles. Bien sûr, mais tout le monde l'a admis depuis 2006 y compris Denis Le Her
Seznec. Quel est l'intérêt en 2024 ? et quelles conclusions en tirer pour justifier la culpabilité ?
Le second changement sémantique consiste à dire qu'il ne s'occupe que de l'histoire de l'affaire Seznec et jusqu'en 2006. Cela lui permet de justifier son déni. Pourtant, ce n'est pas l'objet de son livre qui évoque bien toute l'affaire des débuts jusqu'en 2019. Cette stratégie peut fonctionner à court terme, tant que personne n'étudie les faits. C'est le cas du réalisateur Pierre-François Lebrun ou du journal Ouest-France. Il faut quand même s'attendre qu'un jour ou l'autre la supercherie éclate au grand jour.
Il y a une vingtaine d'années, alors que tout le monde parlait innocence, avec Michel Pierre nous étions les rares à dire que les faits accablaient Seznec. Maintenant que tout le monde parle de culpabilité, le résultat de mes recherches m'a amené à changer d'avis. Je peux aujourd'hui prouver qu'il y a eu une affaire de Cadillac avec la Russie, que Quéméneur en connaissait parfaitement les détails, que l'Américain du nom de Sherdy qui avait rendez-vous avec Quéméneur le lendemain de sa disparition supposée existe bien, que la justice et la police n'ont fait aucune recherche. Il semble que le rapport Bonny du 8 juillet 1923 n'ait jamais été transmis à la justice.
Pour ceux qui affirment que l'affaire Seznec est entrée dans l'histoire et qu'il n'y aura pas de nouvelle demande de révision, je leur dis, pensez ce que vous voulez mais n'allez pas parier votre tête.
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