Il est tentant pour des historiens amateurs ou professionnels de traficoter les documents
pour qu’ils collent à leur vision erronée des choses. C'est la falsification de l'histoire. Claudine Jourdan qui dispose d’un blog sur l’affaire Seznec attire mon attention sur
plusieurs erreurs et manipulations grossières d’un document pour lui faire dire ce qu'il ne dit pas.
Un internaute avait écrit un article de blog :
« A l’époque les paquebots n’arrivaient pas à quai et restaient dans la rade. Des transbordeurs venaient chercher les passagers et c’était très long. Un exemple donné par un document de la Cité de la Mer à Cherbourg montrait qu’en 1925 il fallait aux passagers d’un transatlantique près de quatre heures avant de monter dans les trains spéciaux, qui se trouvaient tout près de la gare maritime"
L'internaute n'indique pas les références du document qu'il cite. Il en tire la conclusion qu'il est impossible, en supposant que Leon Turrou soit à bord du Berengaria, qu'il ait eu le temps de débarquer à temps pour contacter Seznec. Il ajoute qu'à cette époque les gens ne disposaient pas de téléphone mobile. Envoyer un télégramme ou téléphoner, était, selon lui, une opération probablement très compliquée et longue et ne pouvait avoir été réalisée dans un temps si court. Pour rappel, l'affaire Seznec démarre véritablement par un appel téléphonique de Guillaume Seznec à Pierre Quéméneur, le 21 mai 1923 entre 20h00 et 20h30.
La première étape est de rechercher ce document de la cité de la mer à Cherbourg. Il se trouve à cette adresse :
https://issuu.com/mediathequedelamer/docs/mediatheque-la-cite-de-la-mer-dossi_cd888e3dbf99ce/1
En effet page 8 du document, il est indiqué :
"Le 29 mai 1925, 8 escales de paquebots sont enregistrées dans la même journée. Ce jour-là, près de 2644 passagers traversent la gare maritime Transatlantique. Parmi eux, 1827 voyageurs embarquent à bord des paquebots Majestic et Leviathan."..." Même si cette journée reste une exception dans son déroulement, il n’en demeure pas moins que le nombre de voyageurs transitant par Cherbourg est en perpétuelle augmentation.
De 1922 à 1925, le nombre de passagers passe de 112 744 à 184 597 et le nombre d’escales de 644 à 877. Par la Gare Maritime Transatlantique transitent également toutes sortes de marchandises, notamment des colis postaux. Le trafic postal passe de 5 000 sacs en 1895 à 500 000 sacs en 1925."
Le chiffre de quatre heures pour monter dans les trains spéciaux n'est pas mentionné dans l'article. Il faut retenir que cette journée du 29 mai 1925 était exceptionnelle car 8 transatlantiques étaient dans le port. De plus, ce jour-là avait débarqué la femme de l'ancien président des Etats-Unis, Wilson.
Un autre document publié dans les Annales de Géographie, numéro 178 de 1923 indique que "Le transbordement des voyageurs et de la malle est toujours facile; cette opération, qui dure au minimum une demi-heure, n'a jamais dépassé deux heures." C'est une des raisons qui explique le succès du port de Cherbourg.
Le 21 mai 1923, le débarquement du Berengaria avait pris moins de deux heures. Les passagers avaient débarqué en premier. En 1923, la gare maritime de Cherbourg disposait d'un bureau de poste avec des téléphones publics et un service de télégrammes. Pour information, en France, les premières cabines téléphoniques datent de 1884. En débarquant vers 18h00, il n'y avait aucune impossibilité matérielle pour contacter Seznec avant 20h00. De plus, le Berengaria disposait aussi d'un service de radiotélégrammes dont le relais était sur l'Ile d'Ouessant.
Voilà comment à partir d'un texte sérieux, en faisant une citation tronquée et hors contexte, il est possible de lui faire dire l'inverse de ce qui est écrit. Concernant les autres éléments mentionnés dans l'article de Claudine, ils sont non-pertinents et sans intérêts. Une réponse a déjà été apportée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire