mercredi 5 octobre 2022

Des questions très embarrassantes d'internautes concernant ma thèse sur Leon Turrou

J'ai trouvé plusieurs questions d'internautes concernant ma thèse sur Leon Turrou et son implication dans l'affaire Seznec.

En préambule, je rappelle ce que j'ai déjà écrit dans un article précédent "Charly de l'affaire Seznec et Leon Turrou sont bien une même et unique personne" :  

Il est possible de remettre en cause la démonstration en prouvant qu’il y a des failles ou que les preuves ne sont pas pertinentes. Une démarche scientifique même en histoire doit permettre la reproductibilité de la recherche et éventuellement de prouver que le résultat est faux. Le livre a été publié en 2020 avec de nombreux ajouts en 2022. A ce jour, personne n’a été capable de démontrer par une démarche sérieuse et scientifique que la démonstration présentait une quelconque faille. Cela aurait été possible, par exemple, si en reproduisant la démonstration, on trouvait un résultat différent. Aujourd’hui, je peux donc prouver que Charly et Turrou sont la même personne car les deux profils matchent exactement".

Les 4 questions ci-dessous ont un point commun. Je ferai l'analyse en fin d'article.

Question d'internaute 1 :  Est-il prouvé que Leon Turrou est l'auteur de la petite annonce O.I.R. parue dans L'Auto les 7 et 9 février 1923 ?

Réponse Bertrand Vilain : Il est prouvé que Léon Turrou et l'Américain au nom approximatif de Charly ou Scherdy sont la même personne. Dans le dossier d'instruction, Pierre Quéméneur a dit qu'il avait trouvé cette annonce dans un journal. La seule annonce qui corresponde aux détails connus de l'affaire de Cadillac est l'annonce dite O.I.R. notamment le chiffre 10 Cadillac Torpedo. Il n'y en a pas deux similaires publiées en 1922-1923. De nombreux professionnels ont dû bondir à sa lecture car cette annonce est très surprenante et totalement inhabituelle. Qui peut vouloir acheter un tel nombre de Cadillac Torpedo et pour quelle destination ?

Par ailleurs, le sigle O.I.R. n'a aucune existence légale, ni en France, ni en Russie, ni aux Etats-Unis. Il n'existe aucun organisme en 1923 qui puisse correspondre. Il saute aux yeux qu'il y a quelque chose de louche avec cette annonce. Nous savons que Turrou était fasciné par le FBI (Federal Buro of Investigation). O.I.R pourrait être Office of Investigation and Research à la sauce Turrou.

Annonce O.I.R. Journal L'auto 9 Février 1923

Si le commissaire Vidal assisté de l'inspecteur stagiaire Bonny avaient fait correctement et intelligemment leur travail, ils auraient dû faire un minimum de recherches pour retrouver cette annonce. Ensuite, sous commission rogatoire, le journal L'Auto aurait dû transmettre les coordonnés de O.I.R. Supposons que cette annonce ne soit pas la bonne, comment la justice et la police peuvent-elles le prouver puisqu'elles n'ont pas fait la moindre vérification.

Le journal L'auto est devenu après la guerre le journal "L’Équipe". Je n'ai pas réussi à ce jour à localiser le registre des petites annonces de 1923 au cas où il n'aurait pas été détruit. Le journal L’Équipe n'a pas répondu à mes demandes.

Selon l'historien Tom Busseuil qui a fait une thèse universitaire  "
De L’Auto à L’Équipe : une histoire politique à dimension internationale (1932-1952)", les archives [du journal L'Auto] entassées dans la remorque atelier du Tour de France auraient été perdues sur les routes de l’exode à l’été 1940, et [Tom Busseuil] s'est trouvé face aux portes closes de L’Équipe, dont les archives sont visiblement réservées à ses éditions anniversaires et à ses livres d’or.

Question d'internaute 2 Pierre Quéméneur et Guillaume Seznec lisaient-ils le journal L'Auto ?

Réponse BV : Cette question n'a pas vraiment de sens. C'est un peu comme demander si Madame Michu regarde TF1. Pierre Quéméneur a indiqué que c'était lui qui avait trouvé cette annonce. Il avait une Cadillac sur les bras, à vendre. En 1923, le journal L'Auto est "Le" journal de référence en matière d'automobile. Tous les professionnels le lisent et/ou passent des annonces même Gherdi ou Bollon...

En réalité, la question est mal formulée, l'internaute voulait probablement dire : Y a-t-il des preuves que Pierre Quéméneur a bien lu le journal L'Auto des 7 et 9 février 1923 ainsi que l'annonce déclenchante O.I.R. ?  En ce qui concerne Guillaume Seznec, cette question n'est pas pertinente puisqu'il n'est pas à l'origine de l'affaire de Cadillac.

Le 29 Juin 1923, il y a eu une perquisition à Ker-Abri dans le bureau et la chambre à coucher de Pierre Quéméneur. L'objet de cette perquisition était de trouver toute pièce ou document en lien avec l'affaire. Le procès-verbal de transport note que des documents ont été saisis concernant :

1/ des tractations d'automobiles

2/ des projets de vente de la propriété de Traou-Nez

3/ des correspondances diverses, types de signature Quéméneur, des  photographies, un livret militaire

4/ comptes de Quéméneur à la Société Bretonne, carnets de chèques

5/ dossier De Jaegher

Aucune recherche n'a été faite concernant les divers journaux, revues et magazines qui devaient inévitablement trainer dans le bureau de Quéméneur. Donc, aucune recherche n'a été faite en lien avec l'affirmation d'une petite annonce d'un journal.  A ce stade de l'enquête, on se demande pourquoi la police et la justice oublient de vérifier cette information. Il est difficilement compréhensible qu'un inventaire des journaux avec les petites annonces n'ait pas été effectué.  Là encore, cela fait mal pour le sérieux de l'enquête et pour ceux qui affirment qu'elle a été très bien menée. 

Question d'internaute 3 Pierre Quémeneur et Guillaume Seznec connaissaient-ils Leon Turrou ?

Réponse BV : Nous avons des preuves que Pierre Quéméneur connaissait très bien Turrou. Elles sont dans mon livre. Guillaume Seznec avait aussi la certitude de son existence mais il n'a jamais été en mesure de retrouver sa trace. Il cherche du côté de Gherdi sans succès. Il sait qu'Ackerman ne peut être l'Américain puisqu'il le connait depuis au moins 1919. Seznec a reçu 2 courriers et probablement un appel téléphonique ou un télégramme. Il n'y a aucun élément indiquant qu'il l'avait rencontré ou qu'il le connaissait personnellement. Il apparaît qu'aucune demande n'a été faite auprès du ministère des Postes pour retrouver les communications téléphoniques ou télégrammes passés ou reçus de Guillaume Seznec, le lundi 21 mai 1923. Là encore, cela fait très mal pour l'enquête.

Question d'internaute 4 Leon Turrou était bel et bien à bord du Berengaria qui a accosté à Cherbourg le lundi 21 mai 1923 à 16 heures ?

Réponse BV : Je n'ai pas retrouvé à ce jour la liste des passagers qui ont débarqué à Cherbourg. La France ne conserve pas ce genre d'archives ce qui n'est pas le cas aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Toutefois, plusieurs indices pointent vers le Berengaria arrivée le 21 mai pour le voyage aller. D'abord, Turrou est présent sur le Berengaria au retour le 7 juillet. C'est aussi le cas de la moitié des passagers. Ils prennent l'aller et le retour sur le même bateau. Il y a plusieurs raisons. Outre un tarif avantageux, les rotations sont d'environ 6 semaines. Cela correspond à la durée moyenne d'un séjour en Europe. Nous connaissons partiellement l'emploi du temps de Turrou à New York  avant le départ et certaines de ses habitudes de voyage. De plus, d'autres listes de passagers ont été retrouvées. En procédant par élimination, il ne reste plus que 3 bateaux possibles de la Cunard dont le Berengaria arrivée le 21 mai à 16h00. Imaginons que Turrou n'ait rien à voir avec l'affaire Seznec, selon un calcul statistique froid, il y a environ 80% de chances pour qu'il soit sur la liste des passagers du Berengaria Aller.  Le commissaire Vidal n'a pas vérifié cette liste. Là encore, cela fait mal. 

Les 4 questions se voulaient une tentative de déstabilisation et de réduire à néant ma thèse. En réalité, ses 4 questions la renforcent et démontrent qu'une seule chose; la police et la justice n'ont fait aucune vérification pour rechercher l'Américain Scherdy et l'affaire des Cadillac. Elles n'y croyaient pas et donc elles n'ont strictement rien vérifié. Qui peut sérieusement penser que la police et la justice ont bien fait leur travail uniquement parce qu'elles ont multiplié le nombre d'actes de procédure et les vérifications inutiles, essentiellement à charge ? Alors que personne n'a estimé bon de vérifier les informations de base contenues dans le dossier d'instruction.  Pourtant, il suffisait de prendre le problème par un bout et la pelote se serait déroulée d'elle-même. Les occasions manquées sont tellement nombreuses que l'on peut légitimement se poser la question, est-ce de la bêtise ? De l'incompétence ? un manque de moyens ? Un complot ? Pourquoi l'enquête est biaisée dès le départ ? Personne ne pouvait prévoir qu'en 2020, un brocanteur déterrerait des archives enfouies depuis bientôt 100 ans et qu' il ferait les investigations qui n'avaient pas été faites à l'époque. 

Les pièces à conviction de ces 4 questions pourront-elles être retrouvées ? Oui pour le 3, possible pour le 4 mais les 1 et 2 ne seront jamais retrouvées. Concernant le registre des annonces du journal L'Auto, j'ai eu la réponse hier par un ancien journaliste. Les archives du journal L'Auto soit environ l'équivalent de 200 camions ont été détruites en 1987 lors du déménagement du journal l'Equipe du 10 rue du Faubourg-Montmartre à Paris vers Issy-Les-Moulineaux.  Le registre de 1923 où se trouve O.I.R. est parti en fumée.

Concernant ma thèse, elle se porte bien. Le coeur du réacteur repose sur une démonstration implacable de la participation de Turrou à l'affaire Seznec prouvée par des centaines de documents d'archives. Pour remettre en cause cette participation, il faudrait être capable de démonter le raisonnement et de trouver une faille. Comme je l'ai indiqué, la démonstration repose non pas sur des empreintes digitales ou des traces ADN mais sur l'histoire individuelle d'une personne telle qu'elle est enregistrée à tout jamais dans les archives. Il s'agit d'une méthode scientifique d'investigation historique.

Si une demande en révision était déposée, il serait très compliqué pour une cour de révision de ne pas admettre à minima le doute sur la culpabilité de Guillaume seznec.


 

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