Vers 2019, dans le cadre de mes recherches sur Leon Turrou, j'ai contacté les descendants notamment son petit-fils, Bob. Il connaissait mal la biographie de son grand-père et il m'a renvoyé vers Richard Bareford et Rhodri Jeffreys-Jones.
Rhodri Jeffreys-Jones est un historien, professeur à l'université d'Edimbourg en Ecosse. A l'époque, il terminait l'écriture d'un livre sur Leon Turrou, "The nazi spy ring". Son ouvrage traite de Leon Turrou, agent du FBI dans les années 1938. Il le présente sous un jour très (trop ?) favorable. Bertrand Patenaude a écrit une critique publiée dans le WSJ.
Quant à Richard Bareford, il s'est intéressé à Leon Turrou dans le cadre de recherches personnelles sur un projet de roman. Ce dernier n'a semble-t-il jamais vu le jour. Il a écrit une biographie de Leon Turrou publiée sur le site Findagrave. Celle-ci est intéressante mais présente de trop nombreuses erreurs. Il y a des affirmations non prouvées voire fausses. Par exemple, Leon Turrou n'a jamais rejoint la légion étrangère en France pendant la première guerre mondiale. Cela est démontré par le fait qu'il n'y a pas de Leon Turrou (Turovsky) engagé dans la légion. Plus récemment, Bareford a été sollicité dans le cadre d'un ouvrage sur le FBI, "The Federal Bureau Of Investigation, History, Powers and controversies" by Douglas M. Charles and Aaron Stockham. Il reprend les mêmes éléments dont certains sont toujours faux. Je n'ai pas lu la totalité de l'ouvrage de Charles et Stockham mais cela pose des questionnements sur le sérieux de ce livre ainsi qu'absence de vérification des informations publiées.
J'avais communiqué à Bareford un draft de mon livre "Affaire Seznec : Les archives du FBI ont parlé". Bien qu'il m'avait affirmé avoir des attaches avec la France, il ne parle pas un mot de français. Il avait donc utilisé un traducteur automatique. Il était furieux par ce qu'il avait cru comprendre de mon livre ainsi que l'implication dans l'affaire Seznec. De plus, je le remerciais de m'avoir transmis un document mais de rage, il m'a demandé de supprimer son nom. Je me suis exécuté. Cela n'a pas été d'une bien grande conséquence pour la thèse du livre. En réalité, les documents m'avaient aussi été transmis par Rhodri. Je ne sais pas qui était à l'origine de la demande initiale, peut-être un membre de la famille Turrou.
Suite à cela, Bareford a posté le commentaire suivant sur sa page :
"As I suspected. I recognize some of my writing on your blog. When I posted it to Find a Grave I had no knowledge of the Seznec affair. My interest in Turrou was to correct the FBI historic canard that he was the greedy, disloyal oath-breaker who bungled the Rumrich investigation.
Vilain contacted me last October about my Turrou sources, which I shared. I had read Patenaude's book and thought it a hatchet job on Turrou, relying on rumors and gossip spread by his rivals in the ARA. He doesn't say a word about Turrou's reason for joining the ARA, to reunite with his family. In this he was successful, perhaps with the assistance of Commissar Dzerzhinsky.
Vilain recently sent me a draft of his book and I was unconvinced by his Turrou theory. He rejected my suggestions to include contrary information. I expect Rhodri's book will present a more balanced view of Turrou. As for 1923 the only curious incident not in the Find a Grave biography is Turrou's meeting with Herbert Hoover in New York on or about 14 May (this is in Patenaude's book); a week later Turrou was back in France. I kind of think there was a connection, that perhaps Turrou was on some sort of mission for Hoover. The only reference Turrou ever made about this period was that he had a business proposition that ended "in calamity", implying that he had been swindled. He was a hustler and a gambler but there is no evidence that he was a criminal. Vilain based his theory on two 1938 FBI interviews with Turrou's erstwhile land lord, Joseph Davidowsky. He cites them as proof that Turrou was capable of anything, that the purpose of his 1923 trip was to defraud his American partners and break the bank at Monte Carlo. I see them as the alcoholic rants of a Russian anti-Semite, jealous of Turrou's publicity and seeking to curry Director Hoover's favor with dirt on Turrou."
Ce commentaire date un peu et je n'avais pas pris la peine d'y répondre jusqu'à aujourd'hui.
J'ai découvert Leon Turrou en faisant des recherches sur cette
affaire de Cadillac entre la France et la Russie des Soviets en mai
1923. J'ai lu le livre remarquable de l'historien Bertrand
Patenaude , "Big show in Bololand". Cet ouvrage est extrêmement
documenté notamment à partir des archives du fonds Hoover. Il présente toute
la mission de l'A.R.A. (American Relief Administration) en Russie.
Cette mission humanitaire avait pour objet de nourrir des millions
d'enfants souffrant de la grande famine entre 1921 et 1923. Le
gouvernement des soviets dont Lénine était le leader était très
largement insensible et plutôt indifférent. Elle
avait été provoquée en partie par le prélèvement par l'Etat d'une
partie importante des récoltes. Les paysans pour survivre avaient été
dans l'obligation d'utiliser la part réservée à l'ensemencement. Ce qui mettait en péril les récoltes futures. Le
but des Soviets était d'exterminer les Koulaks. C'est ce que l'on
a appelé l'Holodomor, l'extermination par la faim. Suite à l'appel à l'aide internationale de Maxime Gorki, Lénine va être contraint de modifier ses plans.
La Famine en Russie 1921 et Lénine Holodomor
Turrou a été engagé par l'A.R.A. en septembre 1921 du fait de sa
maîtrise des langues étrangères, Anglais, Français, Russe, Polonais...De
1921 à 1923, il s'occupe de la surveillance d'un atelier de confection à
Moscou puis il va prendre des responsabilités en devenant traducteur pour
le chef de la mission, le colonel Haskell. Il est impliqué dans
plusieurs malversations dont Bertrand Patenaude relate les faits dans le
chapitre 40 "Dangerous men in Russia". Son dossier est accablant
notamment en ce qui concerne l'achat de diamants et d'une montre en
platine payé par un chèque sans provision. Il a été convoqué par les
responsables de l'A.R.A. à New York. Le serment (Affidavit) signé par
Leon Turrou a disparu des archives. Qui a fait disparaître ce document compromettant ? est-ce Turrou lui-même quand il était agent du FBI ? Turrou a affirmé sans apporter la moindre preuve que les
diamants étaient faux. Il ne les a jamais retournés à son propriétaire,
un Russe ayant mauvaise réputation. Bareford indique qu'il s'agit de
rumeurs colportées par des rivaux au sein de l'A.R.A. Ses affirmations sont en contradiction avec les archives.
Ensuite, Bareford affirme que Leon Turrou s'est fait engager au sein de la
mission à Moscou de l'A.R.A pour retrouver sa famille disparue en
Russie. En effet, en 1922, Leon Turrou retrouve sa femme et ses deux
enfants qui vivent à TaÏga en Sibérie. Il les ramène aux Etats-Unis en 1923. Ce
qui est moins clair, c'est la raison pour laquelle Leon Turrou est
revenu seul aux Etats-Unis en 1919 en laissant sa femme enceinte et son
premier fils en Sibérie. Les explications peu claires de Turrou à ce sujet
se heurtent aux faits historiques et ils laissent à penser qu'il a tout
simplement laissé sa famille livrée à son propre sort.
Ensuite Bareford affirme que l'entretien entre Leon Turrou et Herbert
Hoover début mai 1923 avait pour objet de confier une mission à Turrou.
Cela expliquerait son retour en France. Bien sûr cette affirmation
relève du roman. Leon
Turrou après avoir été inquiété pour cette histoire de diamants a écrit à
Hoover. Le courrier en date du 27 avril 1923 est assez direct et irrespectueux
compte tenu du décalage entre Leon Turrou, simple employé et Hoover,
ministre du Commerce, Président de l'A.R.A. et futur président des
Etats-Unis. Leon Turrou indique qu'il a des informations à révéler sur
l'A.R.A. qu'il pourrait transmettre à la presse. Il indique à Hoover ses
disponibilités pour la première semaine de mai. Hoover a pris la
décision pour l'A.R.A de quitter la Russie. Pour éviter des histoires et
des polémiques et malgré la menace, il reçoit Leon Turrou. Nous pouvons supposer que
l'objectif de Turrou était de retrouver un travail dans l'entourage
d'Hoover mais l'entretien s'est mal passé. Leon Turrou n'a plus jamais
été autorisé à voir le chef selon les mots de Quinn (Bertrand Patenaude,
Big show in Bololand page 688).
A la même époque, Leon Turrou dont j'ai prouvé dans mon livre Affaire
Seznec : Les archives du FBI ont parlé qu'il est le contact Américain de
Pierre Quéméneur dans l'affaire de Cadillac a probablement d'autres
préoccupations. Il prépare son voyage pour la France probablement à bord
du Berengaria qui quitte New York le 15 mai et qui arrive à Cherbourg
le 21 mai 1923. En 1939, lors d'une émission de radio en Californie,
Leon Turrou reviendra sur cet épisode indiquant qu'en 1923, il a monté
une affaire qui s'est terminée en désastre. Il utilise le terme "Calamity". Son meilleur ami de l'époque
Joseph Davidowsky, lui, sera plus précis en parlant d'une escroquerie
commise par Leon Turrou à cette époque.
Bareford utilise un procédé classique et malhonnête de désinformation
qui consiste à jeter le discrédit sur es propos d'une personne en
l'attaquant personnellement. Il affirme que le témoignage de Davisowsky
serait faux car il serait alcoolique, antisémite, jaloux, cherchant à
salir Leon Turrou. J'ai consulté les même archives du FBI que Bareford, il
n'apparaît nulle part que Davidowsky est un alcoolique, antisémite jaloux. Ce dernier s'était opposé au mariage de sa soeur avec Turrou. Ce qui apparait dans le dossier est que Turrou multipliait les conquêtes féminines. Ceci explique peut-être cela.
Davidowsky est gérant d'un bar-grill à New York. En 1938, un agent du FBI vient
l'interroger à l'improviste dans son établissement suite à une enquête concernant des mensonges sous serment de Turrou pour obtenir la citoyenneté Américaine, pour entrer au FBI et aussi devant un tribunal. Il signale dans son
rapport que Davidowsky a bu plusieurs verres d'un mélange de 3 vins
différents. Il indique qu'il est en état de répondre aux questions. L'agent du FBI , Louis Loebl,
remarque que l'établissement à mauvaise réputation du fait de clients tapageurs
et bruyants. Davidowsky lui-même est considéré comme honnête et
charitable. Toutefois, il doit faire face à des ennuis dus à la nature
même de son établissement.
Bar-Grill Joseph Davidowsky New York Google Map
Le bar-grill de joseph Davidowsky se trouve à gauche en traversant la rue. Il n'existe plus aujourd'hui, il a été détruit remplacé par un parking. Il devait ressembler à ce batiment à droite sur la photo.
Pour une biographie complète de Leon Turrou Ici
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