vendredi 21 octobre 2022

Il n'y a jamais eu de trafic de Cadillac selon la justice...

C'est le produit de l'imagination de Guillaume Seznec ajoute le procureur Guillot qui réclame sa tête lors du procès en octobre 1924. Guillot, le doute, il ne connait pas.

Voici, ci-dessous, une photo prise du Kremlin, devant le grand palais, dont l'architecture est facilement reconnaissable. Je n'ai pas la date exacte mais c'est autour de 1923. Nous voyons des officiels soviétiques qui quittent le palais où des véhicules attentent. En premier plan, se trouve une Cadillac type 57 vert olive torpedo volant à gauche qui provient des stocks de la première guerre mondiale. On reconnait facilement ces modèles à plusieurs détails notamment les "side light" très typiques.  Le capot avant de cette Cadillac est recouvert d'une couverture ou une protection noire utilisée pour éviter que la température du moteur ne baisse de trop. Elle est identique à celle de Quéméneur-Seznec. 

 

Cadillac type 57 vert olive de 1917 garé devant le Kremlin Moscou en 1923 
 Cadillac type 57 vert olive devant le Kremlin Moscou 1923 (archives personnelles Bertrand Vilain)

 Le véhicule tout à gauche avec la vitre arrière arrondie est une Ford T Sedan produite entre 1916 et 1922 (Merci à Albert Baker).

Cadillac vert olive de Seznec 1923
   Cadillac type 57 vert olive de Quéméneur Seznec en 1923

Nous avons tous entendu, jusqu'à plus soif, que les Soviets n'avaient pas besoin de Cadillac uniquement des tracteurs. Qu'auraient-ils fait avec la vieille Cadillac de Seznec ? La réponse est sur la photo, pour transporter les officiels soviétiques notamment les membres dirigeants de la GPU. Si l'on regarde avec attention les autres véhicules, il s'agit de vieux tacots antédiluviens qui ne tiennent pas la comparaison avec une Cadillac même de 1917. 

 

Les membres dirigeants de la GPU vers 1923 Dzerjinski, Peters, Eiduck
Les membres dirigeants de la Tcheka GPU vers 1921

Sur cette photo, Dzerjinski est au milieu, entouré de ses plus proches collaborateurs (Jacob Peters, Memshinsky...). Un peu plus éloigné sont les moins proches collaborateurs. Tout à fait à droite, il y a un petit bonhomme qui tient une feuille de papier dans une main et une cigarette dans l'autre. Ce personnage s'appelle Eiduck. Dzerjinski va le nommer plénipotentiaire auprès de l'American Relief Administration fin 1921. Il est en charge d'espionner les Américains et de faire le lien entre le gouvernement des Soviets et le Colonel Haskell, chef de la mission. A ce titre, les Américains vont lui prêter une Cadillac, la numéro 4. Eiduck arrive aux réunions et se déplace pour son usage privé dans une superbe Cadillac Torpedo qui attire tous les regards, alors qu'il n'est qu'un dirigeant de second rang, une espèce de brute au QI limité.

Que pensent-les autres ? Les plus proches de Dzerjinski se déplacent à bicyclette, dans des tacots délabrés ou dans le meilleur des cas en Ford T digne du bas-prolétariat Américain. Leon Turrou occupait la fonction de traducteur pour le Colonel Haskell et il connaissait parfaitement tous les dirigeants de la GPU. Il parlait russe et polonais. Il avait tissé des liens personnels avec des membres  douteux de la GPU pour lancer des affaires plus ou moins louches. Pourquoi ne pas importer 10 Cadillac issues des stocks en France ? Ils sont 19 sur la photo. L'affaire peut être renouvelée.

Voilà, l'origine de cette affaire de Cadillac dont parle Quéméneur à son banquier, Salaun, à Brest, le 22 mai 1923. Cela peut se résumer à : Pourquoi Eiduck, il a une Cadillac et pas nous, les proches du chef...On doit se déplacer à vélo ? Voila, comment le battement d'une aile de papillon dans un sombre bureau de la Loubianka à Moscou a conduit au bagne un breton innocent.

Bien sûr, Guillot, il ne pouvait pas savoir. On lui a transmis un dossier foireux où le coupable était tout trouvé. La machine à broyer était en route depuis un an. Il a fait son boulot de procureur comme un bourrin, sans se poser de questions.

Je dispose d'autres photos de la même série et l'on voit les regards se tourner au passage de la Cadillac.  Il est vrai qu'elle en jette.

Je sais bien que la vérité judiciaire peut-être parfois éloignée de la vérité tout court. L'affaire Seznec est un cas d'école ou la vérité judiciaire, basée uniquement sur des constructions intellectuelles hasardeuses est en totale contradiction avec la vérité historique. Pour de plus amples informations sur cette enquête historico-policière passionnante, merci de vous procurer la dernière édition de mon livre Affaire Seznec :Les archives du FBI ont parlé Bertrand Vilain.

 

1 commentaire:

C.J a dit…

Merci beaucoup pour toutes ces informations.