Le blog de Claudine Jourdan revient sur l'hypothèse émise par une autre blogueuse anti-Seznec sur de possibles boues dissolvantes des étangs de la forêt de Rambouillet qui auraient pu faire disparaitre toute trace du cadavre de pierre Quéméneur.
A l'origine, l'hypothèse vient d'un article du Figaro du 18 novembre 1928 :
"Quémeneur a donc disparu dans la forêt de Rambouillet. Où ? Comment ? On ne sait. Mais un professeur de la faculté de médecine d'Alger, qui, à la suite de l'affaire Landru, a étudié les étangs de la forêt, nous apprend qu'ils ont des boues dissolvantes, et qu'au bout d'assez peu de temps, il est impossible d'y retrouver un cadavre."
Cette hypothèse est peu crédible par rapport à ce que l'on connait du dossier d'instruction. Il aurait fallu que guillaume Seznec ait repéré les lieux à l'avance et qu'il ait trouvé l'endroit idéal malgré les nombreuses recherches entreprises par la police. Mais que penser des "boues dissolvantes" d'un point de vue scientifique ?
J'ai demandé à Ian Anderson de m'éclairer sur la question. Il est chercheur indépendant, historien et diplômé en "Forensic science". Il est donc régulièrement consulté pour travailler sur des cold cases au Texas ou aux Etats-Unis.
Ian Anderson
Ian, pourrais-tu nous expliquer ce que sont "les boues dissolvantes" en matière criminelle ?
"Boues dissolvantes" est un terme inapproprié qui relève plutôt du sensationnalisme. Le nom exact est "boues activées" qui sont un mélange de matières organiques solides, d'eau et de micro-organismes utilisés dans le traitement des eaux usées. Elles résultent du processus de dégradation biologique des matières organiques dans les stations d'épuration.
Dans les systèmes de traitement, ces boues jouent un rôle crucial dans la réduction de la pollution en décomposant les matières organiques présentes dans l'eau. Les boues sont généralement séparées de l'eau traitée, et une partie peut être recyclée pour maintenir la population de micro-organismes, tandis que le reste peut être traité pour être éliminé ou valorisé, par exemple, en tant que compost.
Existe-t'il des boues activées à l'état naturel ?
Oui, il existe des boues activées à l'état naturel, bien que ce terme soit plus souvent utilisé pour décrire un processus de traitement des eaux usées en milieu contrôlé. Dans la nature, des processus similaires se produisent dans des environnements aquatiques, où des micro-organismes décomposent la matière organique.
Dans des écosystèmes tels que les marais, les rivières et les lacs, des dépôts de matières organiques s'accumulent et sont dégradés par des bactéries et d'autres microorganismes. Ce processus naturel aide à maintenir la qualité de l'eau en réduisant la charge polluante. Cependant, les boues naturelles ne sont pas manipulées de la même manière que dans un système de traitement des eaux usées, où des conditions spécifiques sont créées pour optimiser la décomposition.
Les boues activées peuvent-elles décomposer un cadavre ?
Les boues, en particulier celles qui contiennent des micro-organismes, peuvent contribuer à décomposer un cadavre. Dans des environnements naturels tels que les marais, les rivières ou les lacs, des bactéries, des champignons et d'autres décomposeurs se nourrissent de matières organiques, y compris les restes animaux.
Le processus de décomposition implique plusieurs étapes, et les boues riches en micro-organismes peuvent accélérer ce processus en fournissant à ces organismes la matière nécessaire à leur survie et en favorisant la dégradation chimique des tissus organiques. Toutefois, le degré de décomposition dépendra de nombreux facteurs, notamment :
Conditions environnementales : Température, pH, disponibilité en oxygène et humidité.
Type de sol ou de boue : Certains types de boues contiennent plus de micro-organismes que d'autres.
Taille et composition du cadavre : La taille, l'âge et l'état du corps peuvent également influencer la vitesse de décomposition.
Dans les contextes criminels ou médico-légaux, la décomposition des corps est un domaine d'étude important, et les boues peuvent jouer un rôle significatif dans ce processus.
Dans un contexte criminel combien de temps faudrait-il ?
Le temps nécessaire pour qu'un cadavre se décompose peut varier considérablement en fonction de plusieurs facteurs, notamment :
Environnement : La décomposition est plus rapide dans des conditions chaudes et humides que dans des environnements froids ou secs. Par exemple, un corps submergé dans l'eau ou enfoui dans des boues peut se décomposer plus lentement en raison de la température plus fraîche et de l'absence d'oxygène.
Condition initiale du corps : Si le corps était déjà en mauvaise condition, ou s'il a été blessé, cela peut affecter le délai de décomposition.
Présence d'organismes décomposeurs : Les insectes comme les mouches et les coléoptères, ainsi que les bactéries et les champignons présents dans l'environnement, jouent un rôle clé dans la décomposition.
En général, voici quelques estimations de délais :
Décomposition initiale : Cela commence dans les jours suivant le décès. Les mouches peuvent pondre des œufs en quelques heures.
Phase de décomposition active : Cela peut durer de quelques jours à quelques semaines, selon les conditions.
Décomposition avancée : Sur une période de plusieurs semaines à plusieurs mois, la plupart des tissus se décomposeront, laissant derrière eux des os et des tissus plus résistants.
Squelettisation : Cela peut prendre des mois à des années, selon les conditions.
Il est important de noter que ces délais peuvent varier considérablement, et les équipes médico-légales utilisent souvent des estimations de la décomposition dans leurs enquêtes pour déterminer le moment du décès.
Est-il possible de faire disparaitre toute trace d'un cadavre y compris du squelette après un mois ?
Faire disparaître totalement toutes les preuves en un mois est très peu probable dans des conditions normales. Voici plusieurs points à considérer :
Décomposition : La décomposition d’un corps suit généralement des étapes prévisibles, et bien que des tissus mous puissent se décomposer et disparaître relativement rapidement, les os (squelette) sont beaucoup plus résistants et peuvent rester sur les lieux longtemps après la décomposition complète des tissus mous. Il faut souvent plusieurs mois à des années pour que les os se décomposent de manière significative sans intervention.
Conditions environnementales : Dans un environnement naturel, la décomposition du squelette peut être lente, surtout si le corps est enterré ou protégé de l'érosion et de l'activité des animaux. Même dans des conditions extrêmes, il est peu probable que toutes les preuves ostéologiques disparaissent dans un délai d'un mois.
Interventions physiques : Des méthodes comme la crémation ou l'utilisation de produits chimiques spécifiques (par exemple, des acides) peuvent réduire considérablement les restes mais cela implique une intervention humaine.
Enquête criminelle : Les enquêteurs peuvent souvent détecter des traces même dans des conditions difficiles. Des os peuvent être retrouvés même après une tentative de dissimulation, et des analyses ADN peuvent parfois être effectuées même sur des restes longtemps après la décomposition.
En résumé, bien que des tentatives puissent être faites pour dissimuler un cadavre et ses restes, les chances de faire disparaître totalement toutes les preuves, y compris celles du squelette, en un mois sont très faibles dans la plupart des circonstances. Les boues dissolvantes n'existent pas à l'état naturel car les deux sont antinomiques. Il ne peut y avoir création de boues d'origine organiques avec des produits dissolvants comme l'acide.
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