C'est ce qu'affirme Annick Le Douget, ancienne greffière au Tribunal de Quimper, dans son dernier ouvrage 'Tourmente sur la Cour d'assises du Finistère" et dans une interview du Télégramme en date du 21 aout 2024 :
J'avais contacté Annick Le Douget il y a quelques temps pour lui poser des questions sur la partie de son livre concernant l'affaire Seznec. Je lui avais demandé s'il y avait des choses à apprendre sur l'affaire elle-même. Elle m'a répondu que non. Dans le cadre de ses fonctions au Tribunal de Quimper, elle a eu l'opportunité de consulter le dossier d'instruction mais elle n'apporte rien que nous ne connaissions pas déjà par d'autres auteurs. En conclusion de l'article du Télégramme, elle affirme : « Il n’y a pas d’incohérences dans le dossier d’instruction et pas de manques dans l’enquête. Guillaume Seznec a eu un procès équitable ».
En préambule et par souci d'honnêteté, je dois indiquer que je n'ai pas lu l'ouvrage d'Annick Le Douget. La critique suivante est basée sur les conclusions contenues dans l'article du Télégramme. Toutefois, j'ai acquis un domaine d'expertise sur cette affaire très complexe et son environnement après la consultation de dizaines de milliers de pages d'archives et de livres en français, anglais et Russe. Cette expertise, unique, me donne une certaine autorité par rapport à d'autres auteurs.
Annick Le Douget fait essentiellement référence aux demandes de révision qui datent des années 30. Depuis cette époque, la vision de l'affaire a beaucoup évolué. Il y a eu plusieurs publications majeures comme le livre de Bernez Rouz en 2005 "L'Affaire Quémeneur-Seznec", le rejet de la demande de révision de Denis Le Her-Seznec en 2006, le livre de Denis Langlois en 2015, "Pour en finir avec l'affaire Seznec" et mon livre dans la dernière version de 2023, "L'affaire Seznec : les archives du FBI ont parlé". Faut-il aussi mentionner le travail d'investigation d'Anne-Sophie Martin pour le documentaire diffusé sur France 2 suite aux fouilles à Morlaix en 2018.
Pour pouvoir affirmer qu'il n'y a pas d'incohérences dans le dossier et pas de manques dans le dossier d'instruction, faut-il réfuter l'argumentation des prédécesseurs qui démontrent le contraire. A ce jour, personne n'en a été capable.
Dans mon enquête sur l'affaire de Cadillac vers la Russie des Soviets et la recherche du mystérieux américain au nom approximatif de Charly, j'ai mis à jour 5 manquements majeurs dans l'enquête policière. Le commissaire Vidal avait 5 vérifications obligatoires à effectuer pour confirmer ou réfuter des affirmations contenues dans le dossier. Si l'une des 5 vérifications avait été entreprise, il n'y aurait jamais eu d'affaire Seznec.
J'ai été aussi le premier à révéler dans mon livre qu'un document essentiel de la procédure a été retiré, à une période indéterminée, du dossier d'instruction conservé à Quimper. Il n'a pas été détruit mais il a été "caché" parmi d'autres dossiers, ailleurs, aux archives nationales. Je connaissais l'existence de ce dossier mais pas son contenu. Il m'a fallu un peu de temps pour mettre la main dessus. Ce document qui est une pièce officielle de procédure est embarrassant pour la justice car il prouve que des vérifications qui auraient dû innocenter Seznec n'ont pas été effectuées, volontairement. Je m'étonne qu'Annick Le Douget qui était greffière en charge de vérifications du dossier Seznec ne se soit jamais aperçue qu'il manquait cette pièce. Pourtant, elle affirme : « Je recherchais, en fonction des demandes de la chancellerie, et je ne trouvais jamais rien, peut-être parce qu’il n’y avait rien à trouver… ».
Dans mon enquête, j'ai regroupé 27 points de convergence entre le dossier d'instruction et léon Turrou. Ces 27 points démontrent que l'Américain Charly et Leon Turrou sont la même personne. Le hasard n'est pas possible.
J'ai l'impression qu'Annick Le Douget s'est essentiellement inspirée de Michel Pierre qui dans un ouvrage de 2019 concluait que tout était parfait dans l'enquête et dans la décision de justice. Michel Pierre n'avait fait aucun travail de recherche sur l'affaire. Il n'apportait rien de neuf. Sa connaissance des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Russie des Soviets s'arrêtait à citer Armand Hammer. Il n'était pas en mesure de réfuter les arguments factuels de ses prédécesseurs et ceux de mon ouvrage. Annick Le Douget est dans la même veine. Elle reprend des arguments du juge Hervé et du journaliste Eugène Delahaye qui datent du début des années 30 alors que personne ne conteste les fourvoiements. Comme Michel Pierre, elle a une démarche peu scientifique qui consiste à ignorer les arguments solides et prouvés qui remettent en cause la totalité du dossier d'instruction et qu'elle est bien incapable de contester.
Si depuis 1924, de nombreuses personnes, qui ont travaillé honnêtement sur l'affaire, ont la certitude que Guillaume Seznec est innocent, c'est qu'il y a probablement des raisons et qu'ils ont trouvé des incohérences dans le dossier. Affirmer le contraire sans réfuter leurs arguments n'a donc pas d'intérêt et relève du débat d'opinions. Après 100 ans, la famille Seznec n'a pas réussi à prouver devant la justice que Seznec n'a pas tué Quémeneur comme depuis 100 ans, ni la justice ni personne d'autre n'ont réussi à prouver que Seznec a tué. Ce dernier a été jugé coupable sans preuve. Le scénario du retour de Pierre Quemeneur à Morlaix et de l'intervention de Leon Turrou est de loin la seule explication possible de toute l'affaire. Le procès n'a pas été équitable car le dossier était biaisé dès le départ car uniquement à charge. L'affaire Seznec est entrée définitivement et à juste titre dans l'histoire comme symbole de l'erreur judiciaire.
Annick Le Douget apporte juste son opinion, une de plus, sur l'affaire Seznec. Cela ne fait pas avancer beaucoup le Schmilblick mais toutefois cela donne l'occasion de reparler de cette affaire. L'aquarelle caricaturale de la couverture du livre est intéressante.
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